Coopérer avec ses concurrents
Du jambon végétal à l'alliance sectorielle, une édition pour repenser son rapport à la concurrence.
Dans l’édition de Construire des ponts de cette semaine, je vous propose de repenser notre relation avec nos “concurrents”. Nous ferons d’abord un passage par une dizaine d’organisations qui ont fait le pari de la coopétition, verrons les avantages qu’il peut y avoir à collaborer avec ses concurrents, comment le faire, pour enfin vous retourner la question : et si vous aussi, vous vous mettiez à la coopétition ?
Bon mardi !
💡 Le déclic de la semaine : et si on travaillait avec nos concurrents ?
L’inspiration de la semaine provient du monde de la publicité, et notamment de la publicité pour des produits végétaux.
Pour les personnes qui transitent par Paris ou habitent à Paris, vous avez peut être vu en avril cette campagne de communication, menée par 4 grandes marques de produits végétaux. Merci à Camille Cian pour son post LinkedIn qui m’a permis de découvrir cette campagne.
L’invitation de cette publicité : faire front contre la loi qui visait à censurer les appellations carnées pour les alternatives végétales. (vous pouvez découvrir d’autres visuels de cette campagne sur le site de la Réclame)
“Quand tu travailles pour une entreprise de produits végétaux, se tromper de concurrents peut être une grosse erreur. Ce n’est pas des autres entreprises de produits végétaux qu’il faut se métier, mais de l’industrie de la viande animale”. (source du post LinkedIn de Heura Foods)
Au delà de cette campagne, de nombreuses entreprises pratiquent la coopétition, terme popularisé par les chercheurs Adam Brandenburger & Barry Nalebuff avec leur livre “La co-opétition : une révolution dans la manière de jouer concurrence et coopération”
Quelques raisons de mener des projets de coopétition :
Répondre à un défi complexe
Par exemple au début des années 2000, Airbus Defense Space et Thales Alenia Space (entreprises européeenes), qui voient Boeing Space System (entreprise américaine) arriver sur le marché européen avec des innovations qu’ils ne peuvent concurrencer. Travailler ensemble leur a permis
Ou encore les entreprises qui se lancent dans le parcours de la Convention des Entreprises pour le Climat et réinventent leurs modèles économiques. Certaines sessions de la CEC sont dédiées à des secteurs particuliers, comme l’industrie, les finances, ou encore plus récemment les nouveaux imaginaires, qui rassemble des entreprises & institutions qui imaginent, produisent, diffusent et financent des récits (dans la liste des participants on retrouve par exemple FranceTv Pub, M6 publicité, Netflix France, Publicis France ou encore Havas)
Développer sa performance et son chiffre d’affaires
Par exemple, les vignerons du Pic Saint-Loup. Dans un secteur en crise, des entreprises vignerones ont collaboré ensemble pour créer une marque collective, qui fédère leur marques individuelles. Le résultat : une progression moyenne du chiffre d’affaires de chaque structure de 224% en 10 ans (source) Une coopération qui continue depuis 25 ans !
Développer sa part de marché
Par exemple, Canal + et Netflix en 2019 pour annoncer qu’en ayant accès à Canal +, les personnes ont également accès à Netflix
Développer sa résilience économique
Par exemple dans le secteur de l’immobilier, plus de 3500 agences se partagent des mandats, via le fichier AMEPI (au total, c’est plus de 650 000 mandats qui ont été vendus grâce à ce fichier)
Diminuer les coûts d’un projet et répartir le risque de se lancer sur un nouveau projet
Par exemple quand Danone a lancé l’initiative NaturALL Bottle pour accélérer le développement de bouteilles en plastique issu de matériaux 100% biosourcés, et a proposé à Nestlé, son rival sur le marché de la distribution d’eau en bouteille, de se joindre à eux, pour ne pas financer le projet seul (source). Plus tard, Pepsi rejoindra également le projet.
Croiser les regards et les expertises sur des sujets communs
Par exemple avec le Cluster Provence Rosé, qui fédèrent des acteurs (dont parfois des concurrents) dans la même filière ou les mêmes métiers, pour partager des réflexions stratégiques communes, identifier les sujets importants du moment, et même créer des projets ensemble.
Créer des produits innovants
Par exemple Renault Trucks, qui anime dans sa feuille de route régénérative (source - page 97) vouloir lancer des coopétitions avec leurs concurrents traditionnels pour développer des solutions innovantes, comme les piles à combustibles avec le groupe Daimler.
Par exemple Sony & Samsung en 2004 avec la création d’une co-entreprise pour développer la technologie LCD (source)
Dans un article publié sur The Conversation, Anne-Sophie Fernandez, maître de conférences HDR en stratégie à l’université de Montpellier et Paul Chiambaretto, enseignant-chercheur à Montpellier Business School, mettent en avant 3 bonnes pratiques pour faciliter le passage en coopétition :
Dans l’entreprise, séparer de manière claire les activités sur lesquelles elles sont en coopération de celles où elles sont en compétition
Co-manager : dupliquer les postes de management dans les équipes projets pour que chaque entreprise puisse être représentée, et qu’on crée une forme d’équilibre dans la prise de décision. Les chercheurs invitent par exemple à prendre les décisions en duo de managers, chacun issu d’une des 2 entreprises.
Impliquer dans ces projets les managers / gestionnaires de projet ouverts à la coopération.
“Le succès d’une relation de coopétition tient certes à des structures organisationnelles, mais il tient surtout à la présence d’humains qui sont capables de transcender ce paradoxe et de comprendre quand il faut partager avec son concurrent et quand il faut au contraire se protéger.” Anne-Sophie Fernandez, maître de conférences HDR en stratégie à l'université de Montpellier & Paul Chiambaretto, enseignant-chercheur, Montpellier Business School
🎒 L'outil de la semaine : le brainstorming de la coopétition
Pour faire ce brainstorming, je vous recommande de réunir plusieurs membres de votre équipe / écosystème, et de vous poser ces 3 questions (prévoyez au moins 20 minutes par question) :
Quels sont vos besoins du moment ? Vos besoins matériels, financiers, logistiques, financiers, de compétences, de savoir-être, humains, les projets en cours, les défis, les envies…
Quelles sont nos concurrents actuels ? Pensez à vos concurrents directs et à vos concurrents indirects.
Parmi vos concurrents, est-ce que certains pourraient répondre avec vous à ces besoins ?
❓ La question de la semaine : et si je collaborais avec un concurrent ?
Quels ponts allez-vous construire aujourd’hui ?
Je suis Lily Gros, facilitatrice et formatrice. J'accompagne les organisations engagées à dénouer leur nœuds relationnels en facilitant les conversations d'équipe à travers des séminaires d'équipe et des formations aux 5 compétences de la Radical Collaboration
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Fan de cette newsletter et cette vision de construction de pont Lily
Merci pour cet article ! Toujours aussi inspirant. Cela me fait penser à l'"Antidote au culte de la performance" de Olivier Hamant, ou comment la robustesse stimule la coopération et nous permet de naviguer dans un monde fluctuant.