Il y a plusieurs années, j’ai plongé dans l’univers de la communication non violente. J’ai voulu l’utiliser pour exprimer mes besoins, mes émotions, mais je me suis retrouvée parfois à partager mes émotions, ressentis de manière brute, au mauvais moment, et parfois dans une intention que l’autre change (parce que j’avais raison) plutôt que dans une intention de nourrir la relation.
Grâce aux travaux de Kim Scott j’ai découvert que cela portait un nom : l’honnêteté brutale.
Dans cette édition :
Qu’est-ce que l’honnêteté brutale, quand la reconnaître
Son impact
Le tamis des conversations
PS : cela nous arrive à toutes et à tous de communiquer d’une manière parfois inadaptée et très souvent dans de très bonnes intentions. Cet article n’est pas là pour nous enfermer dans des cases morales de “bonnes” ou de “mauvaises” communications qui définiraient qui nous sommes. Le but de cet article est de nous éclairer sur les moments où nos communications peuvent être parfois inefficaces pour nourrir nos intentions, et muscler notre capacité à prendre soin des relations tout en partageant de manière sincère.
💡 Le déclic de la semaine : quand l’honnêteté fait effet boomerang
Selon Kim Scott, auteure de Radical Candor, l’honnêteté brutale est le fait de partager des informations, de challenger l’autre, de donner des feedbacks honnêtes, mais sans amener de soin à la relation.
Quelques exemples :
Des feedbacks directs et accusateurs lors d’une situation difficile
"Franchement, si tu ne comprends pas ça, je ne sais pas comment tu fais ton travail."
"C'était complètement inutile ce que tu as dit en réunion."
Des confusions entre les comportements et la personne
"Ton incompétence devient un problème pour l’équipe."
"Tu as encore prouvé que tu n’es pas à la hauteur."
Des accusations déguisées en bienveillance
"En toute bienveillance, je trouve que tu as raté cette présentation."
"Sincèrement, je ne sais pas si tu réalises à quel point tu fais mal les choses."
"Je suis désolé.e, mais on dirait que tu ne sais pas ce que tu fais."
L’effet boomerang de l’honnêteté brutale
Le champ des neurosciences (par exemple Naomi Eisenberger) commence à étudier l’impact des mots sur le cerveau et dans de premières études, il semblerait que les mots blessants activent les mêmes zones cérébrales que la douleur physique.
Un partage en honnêteté brutale peut également éloigner les personnes d’un état de sécurité psychologique, un état identifié par plusieurs recherches, dont le projet Aristote chez Google, comme fondamental pour la réussite d’une équipe.
La sécurité psychologique est la croyance que, dans une équipe, je peux
être qui je suis,
apprendre,
contribuer,
m'exprimer sans craindre de représailles.
La sécurité psychologique se manifeste dans 4 sphères (source : Timothy Clark, the 4 stages of psychological safety)
Sécurité d’inclusion : est-ce que je suis accepté.e dans le groupe ? Cette sécurité d’inclusion permet aux personnes de rentrer dans un groupe (plutôt que de rester en dehors du groupe et de ne pas y contribuer)
Sécurité d’apprentissage : est-ce que je peux apprendre, poser des questions, observer, tester, faire des erreurs ?
Sécurité de contribution : est-ce que je peux contribuer pleinement ? Etre membre à part entière de l’équipe ? Est-ce que j’ai du pouvoir d’action et de l’autonomie ?
Sécurité de challenge : est-ce que je peux challenger l’existant ? Faire du feedback d’amélioration ? Remettre en question ce qui est déjà fait
L’honnêteté brutale peut couper l’accès à ces différentes étapes de sécurité psychologique et peut diminuer la capacité des personnes à sentir qu’elles appartiennent aux équipes, à apprendre, à contribuer et à améliorer l’existant.
🎒 L'outil de la semaine : le tamis des conversations
“Connect before you correct - Créez du lien avant de corriger” Marshall Rosenberg
Avant de démarrer une conversation en sincérité radicale, vous pouvez passer les informations que vous souhaitez partager au travers de ce tamis
Intention : à travers cette conversation, qu’est-ce que je cherche ? A long terme, quelle est mon intention avec cette personne ? Qu’est-ce que je cherche à créer dans la relation ?
Mon tamis personnel est de vérifier ma posture : est-ce que je vois au long terme (vs au court terme), est-ce que je vois l’autre comme un.e partenaire (vs un.e adversaire), est-ce que je me sens en mode défensif (le corps en alerte) ? Si je sens que je suis branchée sur ma fréquence court terme et adversariale, je prends le temps de creuser beaucoup plus le sujet, pourquoi je suis potentiellement sur la défensive, comment je peux prendre soin de mes besoins, avant d’aller dans une conversation avec l’autre personne.
Consentement : la personne est-elle prête pour une discussion ouverte ? Si oui, qu’est-ce qui pourrait adoucir cette conversation et lui donner plus d’impact positif ?
Juste degré d’ouverture : qu’est-ce qui est important que je partage pour nourrir la relation (le propos n’est pas de tout partager à tout va, mais de choisir avec discernement les éléments à partager qui vont nourrir la relation) ?
❓La question de la semaine : quelle information ou émotion puis-je partager pour renforcer mes relations et leur donner de la profondeur ?
Pour continuer à approfondir ce sujet, vous pouvez consulter les sources suivantes :
Kim Scott et la radical candor : sur son site ou la conférence Ted
Pour différencier les partages inefficaces en honnêteté brutale du harcèlement et des violences relationnelles, vous pouvez consulter le violentomètre
Le dossier CNV - une communication sans violence ? du podcast Meta de Choc pour prendre du recul sur la communication non violente, ses limites, ses dérives, et aussi son impact positif
Timothy Clark, the 4 stages of psychological safety, le livre, ou le guide disponible sur LinkedIn à ce lien
Le post Comment prendre soin des individus et du collectif où je reviens sur les 4 étapes de la sécurité psychologique
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Dans les éditions précédentes de Construire des Ponts
Faire une excuse en sincérité radicale - de la honte à la responsabilité, une invitation à s’excuser sans se justifier
Les ruptures professionnelles sont de vraies ruptures - comment mener nos ruptures professionnelles en prenant soin du lien ?
Laisser de la place à la colère - exprimer sa colère sans détruire les relations
Quand l’organisation prend soin des relations (tout n’est pas histoire de responsabilité individuelle)
Le pouvoir de l’appréciation - ou comment devenir supporteur / supportrice
Prendre soin des conflits (car ils sont inévitables, et utiles !)
Oser la sincérité radicale ( ce n’est pas l’honnêteté brutale ni l’empathie toxique)
Créer les conditions de l’écoute (ça ne suffit pas de bien écouter)
Dire non pour prendre soin de la relation (où vous découvrirez la carte de fidélité au non)
Coopérer avec ses concurrents (peut être découvrirez-vous de nouvelles zones d’opportunité)
Penser long terme (parfois les solutions que nous essayons sont de fausses bonnes idées)
Revenir à son intention (garder le cap, même en cas de conflit)
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