De la confiance à la demande d'aide - comment créer un cadre qui autorise à demander de l'aide
Créer les conditions de confiance pour aider les autres à demander de l'aide
Demander de l’aide n’est pas quémander. Demander de l’aide n’est pas une faiblesse.
Je rêve que toutes les relations et toutes les organisations soient des endroits où l’on puisse demander de l’aide. Et pour cela, qu’on redéfinisse collectivement ce que cela veut dire de demander de l’aide.
Demander de l’aide, c’est participer à construire une relation de soutien réciproque, où les personnes sont des partenaires qui peuvent s’épauler dans leurs défis respectifs.
“Lorsque vous vous jugez car vous avez besoin d’aide, vous jugez ceux que vous aidez. Quand vous accordez de la valeur à aider, vous accordez de la valeur au besoin d’aide. Le danger de lier votre valeur personnelle à votre capacité d’aider est de ressentir de la honte lorsque vous devez demander de l’aide. Offrir d’aider est courageux et compatissant, mais demander de l’aide l’est tout autant”. ―Brené Brown (chercheuse en sciences sociales, notamment sur les sujets du leadership, de la honte et de la vulnérabilité) ,Rising Strong: The Reckoning. The Rumble. The Revolution
Dans la newsletter de cette semaine, nous explorons ce qui aide à demander de l’aide, ce qui fait que c’est parfois difficile, et comment construire des organisations et relations qui permettent, autorisent et facilitent à demander de l’aide.
Merci aux personnes qui ont nourri cette newsletter, notamment Rémy, Athina et Claire. Et merci à Ludivine, Audrey, Michael, Thomas, Katia, Cindy, Paula, Nathalie, Camille, Clément, Hélène, Sybille, Coline, Caroline pour leurs témoignages.
Avant de rentrer dans le contenu de cette newsletter, je vous invite à prendre une courte pause, à respirer.
Et à inviter de la douceur envers toutes les personnes pour qui demander de l’aide est un sujet inconfortable, que ce soit vous-mêmes ou d’autres personnes. Vous / elles ne sont pas seules.
Allez, c’est parti pour l’exploration !
Ambiance musicale de la newsletter
💡Le déclic de la semaine - Demander de l’aide renforce les relations
La demande d’aide - un sujet collectif
Je cherche à adopter une lecture systémique des relations à travers cette newsletter et donc prendre en compte les facteurs qui peuvent rendre difficile le fait de demander / de recevoir de l’aide.
Car parfois demander de l’aide est difficile (nous en verrons plusieurs raisons plus tard dans cette newsletter).
Et parce que même en développant sa capacité à demander de l’aide de manière ajustée, le contexte n’est pas toujours réceptif.
Mon partis pris : construire une culture où nous demandons plus souvent de l’aide se joue à deux niveaux :
Au niveau relationnel et organisationnel : créer des environnements et des relations de travail qui rendent le fait de demander de l’aide le plus facile possible
Au niveau individuel : comprendre nos freins à demander et recevoir de l’aide, apprendre à demander et recevoir de l’aide
Les impacts d’une culture où demander de l’aide est possible
Demander de l’aide dans une relation, particulièrement de travail, c’est :
Côté collectif - Développer une culture d’entraide
Construire une culture de transparence et d’honnêteté
“je ne m’étais pas rendu compte que ce projet était complexe pour elle”
Autoriser les autres à demander de l’aide
“tiens, si elle me demande de l’aide, ça veut dire que je peux le faire aussi”
Favoriser la sécurité d’apprentissage et d’erreur
“il n’a pas réussi et ose demander de l’aide, ça veut dire que si je suis en difficulté, je peux aussi demander de l’aide”
Résoudre les défis opérationnels de manière plus efficace
“heureusement qu’il m’en a parlé maintenant, j’imagine la galère que ça aurait été si il avait cherché à tout gérer seul alors que j’ai pile le bon contact pour gérer le souci logistique”
Tisser des liens de réciprocité
“ça me donne envie de demander de l’aide à des moments, et d’en donner à 'd’autres”
Côté individuel
Faciliter l’adoption d’une posture pro-active de la part des personnes qui ont besoin d’aide, et les aider à sortir de la sensation d’impuissance (“je dois y arriver tout·e seul·e, c’est trop dur, je n’y arriverai jamais”…) à une sensation de capacité "(“les autres peuvent m’aider”)
Diminuer la sensation d’isolement
Relâcher la voix interne du tyran, notre perfectionnisme internalisé qui exige de nous une absence de faille et une performance toujours optimale. (source : Marianne Leenart, Pète un coup, l’art subtil de lâcher-prise)
Augmenter la voix interne des autorisations et s’autoriser à l’imperfection et à l’optimalisme (“je fais de mon mieux, avec les ressources dont je dispose”) vs le perfectionnisme (“il faut que ça soit parfait. Sinon je suis nul.le”). (source : Tal Ben Shahar, L’apprentissage de l’imperfection)
Et pour autant, demander de l’aide est parfois difficile.
Pourquoi c’est (parfois) difficile de demander de l’aide
Plusieurs raisons peuvent expliquer la difficulté à demander de l’aide. Autrement dit, si vous avez du mal à demander de l’aide, vous n’êtes pas seul·es, loin de là.
Des normes culturelles
La confusion entre “demander de l’aide” et “exiger” et la peur d’exiger quelque chose des autres
La difficulté à dire / recevoir un non (voir mon édition à ce lien sur ce sujet)
La norme des super-héros parfaits, qui peut ressembler à une injonction à l’autonomie
“On est dans une société qui prône l'autonomisation à tout va et où on ne peut pas demander d'aide. Demander de l’aide n’est pas bien vu ; il faut s'en sortir seul·e. Il y a beaucoup d'injonctions au fait d'être indépendant.” Kevin Poussin (source podcast)
Des peurs internes
La peur du rejet
La crainte d’être redevable (“si jamais telle personne m’aide, il faudra que je lui rende exactement la pareille et je ne sais pas si / quand je pourrai le faire”)
La peur d’être un fardeau pour les autres (“elle a déjà tellement à faire, je ne vais pas l’embêter avec cela”)
Une pression au résultat
Le besoin de maîtrise (“je ne vais pas demander à telle personne de l’aide pour ce travail, car je ne suis pas sûre qu’elle le fasse de la manière dont j’aimerais qu’elle le fasse”)
Le besoin d’efficacité immédiate (“ça sera mieux fait si c’est moi qui le fait tout de suite”)
Un contexte peu favorable
Une ambiance de compétition (“demander de l’aide, c’est courir le risque d’être vu·e comme moins compétent·e / moins à la hauteur que les autres”)
Le manque (perçu ou réel) de sécurité dans la relation (“j’aimerais demander de l’aide, mais j’ai peur”)
Un manque de clarté sur nos besoins
…
Une culture d’équipe qui n’autorise pas la demande d’aide peut devenir délétère pour les individus et le projet collectif
Des impacts individuels et inter-relationnels potentiels :
Rancœur et développement d’attentes
“mais pourquoi personne ne m’aide, ils voient bien que je galère pourtant”
L’isolement
“Si c’est comme ça, je vais me débrouiller seul·e
La honte
“Je ne me sens vraiment pas à la hauteur, je ne sais pas comment demander de l’aide, je me sens vraiment nul·le”
L’épuisement
“Ca me fatigue de tout porter seul·e”
Evitement et fermeture à la communication
“De toute façon personne ne m’aidera, donc je ne vais même pas leur dire ce qui est compliqué pour moi en ce moment, ça ne sert à rien”
Des impacts collectifs potentiels :
Sur-compétition
“Il ne faut surtout pas montrer que je suis moins compétent·e que les autres”
Manque de confiance dans l’organisation et dans les autres
“Chacun·e pour soi ici. Vaut mieux que je garde les infos pour moi et que je m’en sorte de mon côté”
Manque d’efficacité
Sans demander d’aide, on peut souvent passer à côté de ressources et d’informations qui aideraient à résoudre le défi en question
Difficulté à déléguer
“Les autres gèrent tellement bien tout·e seul·e, je vais rallonger mes horaires, il vaut mieux que je prenne les choses sur moi”
Culture de pression collective
“Allez, encore quelques mois, ça va passer. On peut prendre sur nous”
Mais alors, comment demander de l’aide ?
Avant de vous partager des exemples concrets de pratiques à mettre en place dans vos équipes, j’avais envie de vous partager une dizaine de témoignages que j’ai récoltés autour de la question “qu’est-ce qui vous aide pour demander de l’aide ?”
La sensation de confiance
“Etre en confiance et savoir que je peux demander conseil à quelqu’un en qui j’ai confiance”
“La confiance en l’autre. Ne pas se sentir jugé sur le fait de ne pas savoir faire seul”
L’attitude de l’autre personne
“Le non jugement que je connais de la personne”
“Avoir une personne ouverte”
“La sensation que l’autre ne va pas chercher à répondre à ma place”
“L’énergie motrice de l’autre”
“De sentir que je m’adresse à une personne dispo”
Les questions de l’autre personne
“Qu’on me demande “est-ce que je peux t’aider ?”
“Qu’on me pose des questions sincères”
Le type de cas
“Sentir que je plonge dans le marécage, un endroit assez glauque d’où il est dur de sortir seul·e”
Le plaisir et l’énergie
“Voir le plaisir que prennent mes collègues à m’aider quand je leur demande”
L’état d’esprit
“Le courage”
“Me dire que je peux demander, que je ne vais pas déranger et qu’au pire je repartirai comme je suis venue”
“Mon caractère”
La réciprocité et le lien
“Me souvenir que j’aide souvent les autres, alors j’ai le droit de leur demander aussi”
“Le sentiment qu’à deux on sera plus fort et ça sera encore plus savoureux”
🧰 L’outil de la semaine - Construire des relations qui facilitent la demande d’aide
Dans cette édition j’avais envie de partager des bonnes pratiques concrètes pour que nos organisations et relations soient des endroits qui facilitent le fait de demander de l’aide.
⏭️ A venir dans la prochaine édition je traiterai l’autre volet de la demande d’aide : comment faire une demande d’aide claire
Dans des interactions inter-personnelles
🚪 Bloquer des créneaux “portes ouvertes” / permanences dans votre agenda > un créneau auquel les personnes de votre équipe peuvent toquer à votre porte / se connecter sur un lien de visioconférence et vous demander un conseil / de l’aide. (merci à cet article pour la bonne pratique)
👋 Adopter une attitude proactive : si quelqu’un signale un blocage, plutôt que de dire “n’hésite pas à me demander de l’aide, je suis disponible”, proposer à cette personne un créneau court d’échange dédié. Cela facilite la demande d’aide et permet notamment aux personnes qui ont des difficultés pour clarifier leurs besoins de le faire
🫱Tendre des perches. Quand vous remarquez qu’un membre d’équipe / une relation professionnelle semble en difficulté, vous pouvez lui proposer votre soutien, si elle le souhaite.
🗨️ Demander “comment ça va. Comment ça va vraiment” (Merci Héloïse de m’avoir envoyé ce message il y a quelques mois, message qui continue de me marquer)
Quelques alternatives : Qu’est-ce qui te préoccupe en ce moment ? Sur quoi aurais-tu besoin de soutien ? A quoi est-ce que nous pouvons t’aider en ce moment ? Que rencontres-tu comme défis en ce moment ? De quoi as-tu besoin en ce moment de ma part / de la part de l’équipe ?
✋ Faire nous-mêmes des demandes d’aide.
🔁 Faire du soutien un sujet récurrent. Par exemple lors des entretiens individuels annuels, il n’est pas rare d’y entendre la question “comment est-ce que je peux te soutenir ?” ou “de quoi aurais-tu besoin de ma part en ce moment ?”.
🤗 Adopter une attitude de curiosité, particulièrement quand la personne commence à vous faire une demande d’aide.
Les rituels et routines d’équipe soutenantes
🗺️ Clarifier qui peut aider pour quoi.
Par exemple, telle personne de l’équipe qui peut aider en cas de défis technique sur l’outil de facturation, ou telle personne de l’équipe qui peut aider à prendre du recul sur un défi relationnel avec un partenaire…
Dans certaines équipes, un système de coaching interne est même mis en place (même dans de petites structures de 15 salarié·es)
⏹️ Instaurer des moments réguliers de partage d’équipe autour des difficultés.
Par exemple un bilan de fin de mois autour des victoires, des célébrations, des prochaines étapes importantes, et des endroits de défis / difficulté
Par exemple, des temps dans les réunions où les personnes peuvent partager leurs questions / besoins.
Et vous pouvez même inclure un petit temps de réflexion individuel de 5 minutes pour aider les personnes à se demander (vraiment) ce dont elles auraient besoin pour la semaine / le mois à venir.
💡Créer des moments d’équipe de résolution de défi. Un moment dédié dans votre agenda par exemple d’1h par semaine où, ensemble, vous partagez vos défis et vous entraidez.
Vous pouvez même mettre en place des “semaines de rectification” : des moments où on arrête l’opérationnel des nouveaux projets, où on reprend les projets existants et on met à jour les problèmes / résout les défis en cours (source : Kim Scott, En toute franchise)
🧑🤝🧑 Organiser des appels / systèmes de soutien.
Par exemple, des binômes de managers de la Région Occitanie sont formés au Flash Codev, une méthode d’entraide très efficace, puis s’appellent tous les jours 30 minutes pour alternativement voir comment aider l’autre (ou être aidé). Source : Réenchanter le travail, étude de la Fabrique Spinoza
De mon côté, j’ai identifié 4 paire.s entrepreneur·es avec lesquel.les j'ai un appel “Mastermind” toutes les 2 à 4 semaines. Cela dure 30 minutes et nous y partageons des victoires, des défis et des demandes d’aide. Cela a été un de mes entraînements les plus efficaces pour apprendre à demander de l’aide.
➿ Faire des boucles de feedback. Quand un membre d’équipe fait une demande d’aide, et surtout quand c’est fait devant l’équipe, vérifier quelques temps après où cette demande en est.
🧓🧑🦰 Mettre en place des systèmes de mentorat, par exemple entre des nouvelles personnes arrivées dans une organisation et des personnes plus expérimentées.
❓ La question de la semaine : comment pourriez-vous créer un cadre qui permet aux autres de demander de l’aide ?
Pour approfondir ce sujet :
L’épisode 27 “Réciprocité dans les relations, cheminer l’équilibre” avec Claire Garin. Podcast l’Aventure du Lien.
L’épisode 20 La liberté commence par le lien, plaidoyer pour l'autonomie relationnelle avec Kevin Poussin, Podcast l’Aventure du Lien.
Pète un coup, l’art subtil de lâcher-prise, Marianne Leenart
Ce fil Reddit “Comment puis-je mettre mon équipe plus à l’aise pour me demander de l’aide ?”
🛑 Pour développer votre capacité à communiquer de manière sincère et sécurisante pour vos interlocuteurs, rejoignez le défi Sincérité Radicale - prochaine session 28 mai - 19 juin 2025.
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Lyon -4-6 février 2026 - coanimée avec Katia Prache
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Créer les conditions de l’écoute (ça ne suffit pas de bien écouter)
Dire non pour prendre soin de la relation (où vous découvrirez la carte de fidélité au non)
Coopérer avec ses concurrents (peut être découvrirez-vous de nouvelles zones d’opportunité)
Penser long terme (parfois les solutions que nous essayons sont de fausses bonnes idées)
Revenir à son intention (garder le cap, même en cas de conflit)
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Merci pour cet article ! J’y lis plein de pistes de mettre ça en place aussi dans ma vie perso, en famile ou entre ami·es et je me dis que ça pourrait être très chouette